Je parle français
c'est mieux qu'avant
même moi je ne laisse pas tomber;
l'écriture m'apporte du bonheur
Quand je ferme les yeux ma tête marche [...]
Marius S.
Une soirée d'exception pour confirmer , si c'était encore nécessaire, l'idée que les mots de la langue française savent parfois franchir allègrement les frontières géographiques et les préjugés de toute nature.
Un éloquent assortiment de textes très personnels lus par plus d'une dizaine de leurs auteurs présents au Périscope à Lyon ce dimanche en fin d'après-midi nous a attrapé fort le coeur et propulsés dans un lieu apaisé de la citoyenneté plurielle.
Avec une rare élégance et une défiance hautement surmontée, cette émergence fragile d'une parole calme, sincère et confiante ordinairement murée, fait honneur aux valeureux efforts d'expression de ces jeunes voués à ce qu'on appelle les métiers manuels (éreintants à plein temps...), et à leur professeur.e de français Judith Wiart qui a su surfer sur leur "élan vital ardent"...
Nous devons aussi cette performance d'écriture au tact expérimenté de l'écrivain Patrick Laupin qui les a accompagnés en Atelier de création littéraire au long des mois, et au savoir-faire du metteur en voix et en scène Hassan GUAID qui les a propulsés devant un micro.
Il fallait à tous ces jeunes "Maçonneurs à plein temps" du lycée des métiers du bâtiment et des travaux publics, Tony Garnier, un écrin accueillant pour inviter leur parole singulière et Frédérick Houdaer le leur a généreusement offert dans son Cabaret Poétique au Périscope, derrière Perrache, sous les voûtes...
Le résultat est réjouissant : salle de spectateurs pleine, ambiance joyeuse et attentive, applaudissements nourris , sourires à profusion et gratitude réciproque... On se souviendra de cet excellent moment d'écoute dans et pour le "bien commun" d'une langue-passerelle apprivoisée et superbement incarnée.
On pourra encore retrouver l'émotion de ces textes dans le petit livret édité avec l'aide de la Région Auvergne-Rhône Alpes et la DAAC de Lyon ( Exemplaires collector, tant pis pour les absents ...).
Il faut savoir que le quota d'heures hebdomadaire pour le français considéré non-utilitaire, vient d'être diminué de moitié ce qui compromet gravement ce genre d'aventure pédagogique qui tente de réduire l'écart colossal entre les possibilités d'expression personnelle des populations transplantées loin de leur langue maternelle, ou dont la situation sociale et familiale leur rationne les codes d'accès à la culture dominante du pays des droits de l'homme et du citoyen.
Chacun sa vie, chacun sa voix, chacun sa trajectoire où la solitude et le besoin d'amour sont énoncés sur tous les tons y compris dans le regret, la nostalgie et la colère. Mais ce qui frappe immédiatement dans leur présence sur une scène éphémère, c'est la patience sans passivité et l'attente active de mots plus conformes à la reconnaissance de leur envie de vivre et d'espérer au delà des limitations de leur cadre d'apprentissage. Leurs origines culturelles et géographiques sont des richesses qu'ils méconnaissent peut-être encore, et leur "futur" métissé d'injonctions au travail et au courage ne peut être que pétri de contradictions à dépasser.
Cet Atelier d'écriture leur aura probablement fait vivre une parenthèse fabuleuse de lien social par l'écriture dont il faut souhaiter le renouvellement sous une forme ou sous une autre.
"Ecrire une nouvelle vie"...
A coeur ouvert...
Merci à :
Driss Rasennadja, Hayroudine M'Colo Mari, Ibro Lagui Amoikon, Yacouba Kone, Marius Sulejmani, Mickaël Eponville, Mohamed Djilani, Wilfried Leh Bi Guissan, Vera Lynn Dumont, Kévin Blain, Hfaedi Sylvain, Rayan Kilic et Enzo Miglio.
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